Dernier épisode de ces Journées Européennes du patrimoine 2010 à Marseille, la visite du fort Saint-Nicolas, sous un ciel résolument bleu… Une occasion à saisir d’urgence, puisqu’en temps normal le fort d’Entrecasteaux (haut-fort de la citadelle Saint-Nicolas), terrain militaire de son état, est fermé au public.
C’est donc avec le plus grand plaisir que j’ai pu redécouvrir le Vieux-Port depuis un nouvel angle, mais également bénéficier de nombreuses précisions historiques de circonstance, fournies par Isabelle Guerin-Carzola, architecte du patrimoine en charge de la maîtrise d’œuvre des travaux en cours et guide occasionnelle.
Voici donc un petit compte-rendu de cette visite au fort St Nicolas, fort instructive !
C’est au XVIIème siècle que Louis XIV fit construire les deux forts à l’entrée du Vieux-Port (qui s’appelait encore à l’époque le Port), dont le fort Saint-Nicolas, plus grand que son confrère de l’autre rive, le fort Saint-Jean. Construit en forme d’étoile afin d’éviter tout angle mort, le fort est constitué d’une succession de bastions construits en étage afin de parer aux éventuelles attaques au canon : les angles aigus des remparts étaient étudiés pour faire ricocher les boulets de canon, tandis que l’architecture en remparts successifs permettait de placer le cœur de la citadelle hors de portée des tirs.
Mais si en 1660 Louis XIV ordonna la construction de la citadelle, ça n’était pas tant pour protéger la ville d’attaques extérieures ; le Château d’If remplissait très bien ce rôle. Il s’agissait surtout d’affirmer l’autorité royale en prenant le contrôle de la chaîne qui fermait à l’époque le Port (d’où la construction du fort Saint-Jean de l’autre côté) et de pointer les canons non pas vers les dangers extérieurs, mais principalement sur la ville même (qui était cantonnée à l’époque au sud du Vieux-Port), afin de juguler d’éventuelles révoltes internes à la cité. Marseille était déjà réputée pour son caractère rebelle…
Suite à la Révolution Française, les Marseillais entreprirent alors de démolir la citadelle et de récupérer les pierres pour réparer leurs propres maisons, jusqu’à ce que Bonaparte lui-même, alors à Toulon, prenne conscience de l’intérêt pour les Marseillais de conserver ce fort et en empêche la démolition totale.
Ce ne sera qu’en 1834 que les remparts commenceront à être reconstruits, non plus avec cette pierre de taille rose extraite de la Couronne qui caractérise l’architecture marseillaise, mais en moellons de pierre. Il est d’ailleurs très aisé de repérer les endroits qui ont été reconstruits, le contraste entre les les deux types de pierre étant particulièrement prononcé.
Enfin, en 1859, la municipalité envisagea de percer un boulevard qui traverserait le fort, afin d’éviter aux Marseillais de se rendre à la Corniche en passant par Notre-Dame de la Garde. C’est ainsi que naquit le boulevard Charles Livon, qui scinde en deux la citadelle. La partie supérieure fut alors nommée « fort d’Entrecasteaux » et la partie inférieure « fort Ganteaume », du nom de deux généraux.
Deux guerres mondiales et une occupation par les Allemands plus tard, la citadelle Saint-Nicolas complétée de quelques bunkers et autres abris anti-atomique verra sa reconstruction reprise : depuis 1999 notamment, la citadelle fait l’objet de chantiers d’insertion, faisant appel notamment aux Compagnons du devoir tailleurs de pierre… Une initiative dont je n’étais pour ma part absolument pas au courant, étant loin d’imaginer que ce monument historique marseillais était encore pour sa plus grande partie en pleine reconstruction…
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